Le 15 décembre : 

Si les pauvres n’existaient pas, faudrait les inventer de Jérôme Richer (2022 – Espaces 34)

Jérôme Richer compose une chronique sur la pauvreté aujourd’hui. Les comédien.ne.s endossent en choeur le rôle d’un individu-monde à l’identité fluctuante: à travers les parcours de vie d’Anton, Antoine, Antonella, Antonio, Antoinette, Antonia, ils viennent questionner notre rapport à l’argent, au travail et à la réussite, et dressent un portrait acerbe de la machine économique et sociale contemporaine. Un texte brillant et sans concessions, dont l’humour corrosif appuie là où ça fait mal.

Extrait: 

XVII

Dans le bureau de Madame Gerber, la Conseillère en personnel d’Antoine. 

ANTOINE. – Tout va bien, madame Gerber ? 

LA CONSEILLÈRE. – Oui. C’est bon. 

ANTOINE. – Prenez votre temps. De toute façon, je suis au chômage. 

LA CONSEILLÈRE. – Voilà. Je suis embêtée de vous dire ça. Il y a un problème avec vos dernières recherches d’emploi. 

ANTOINE. – Merde. J’en ai pas mis dix ? 

LA CONSEILLÈRE. – Non. Non. Non. C’est pas ça. 

ANTOINE. – Je me suis encore trompé de feuille de mois ? J’ai inscrit mes recherches de février sur la feuille de mars ? J’oublie toujours de vérifier si c’est le bon mois. 

LA CONSEILLÈRE. – Non. Tout va bien de ce côté-là aussi. TOUT VA BIEN. 

ANTOINE. – J’ai fait quoi alors ? 

LA CONSEILLÈRE. – Vous avez effectué vos recherches mensuelles sur trois jours. 

ANTOINE. – Oui. Je sais. 

LA CONSEILLÈRE. – Vous n’avez pas le droit. 

ANTOINE. – J’ai pas le droit ? 

LA CONSEILLÈRE. – Non. 

ANTOINE. – Depuis quand ? 

Jérôme Richer:

Après une formation en droit et un détour par l’éducation spécialisée, Jérôme Richer se dirige vers l’écriture théâtrale et la mise en scène.

Il fonde la Compagnie des ombres avec laquelle il ausculte le réel dans ses spectacles. Il est lauréat de plusieurs bourses et prix d’écriture en Suisse, et ses textes sont portés à la scène à l’international.

Durée environ 1H15

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17 février :

J’accepte – Charles Robinson (2023-Espaces 34)

Quatre personas interagissent et se racontent au travers d’une communauté virtuelle. Dans une langue cynique et référencée, la pièce parle de notre dépendance à la technologie et dresse une sorte de fresque des inventions humaines pour « en arriver là ». 

La forme n’obéit pas à une narration classique et propose une mise en jeu passionnante. C’est drôle, fou et visionnaire. Une nouveauté à découvrir absolument.

Extrait: 

« Diva – (…) Seul Steve sait. Seul Steve a vu. 

Steve crée un nouveau règne de mille ans. Un règne d’ordre et de beauté, de logique et de frugalité. 

Steve est l’égal de Bill et de Mark et de Tim et de Jack.
Il est parfait.
Il a émergé de la mémoire vive et de la touche espace.
Il ne fait ni pipi ni caca, seuls les 0 et les 1 forment son enveloppe terrestre. Il a surgi, propulsé par l’Histoire pour changer la trajectoire du globe. 

Avant Steve, la terre a été plate. Pendant Steve, la terre est devenue ronde. Depuis Steve, la terre est une pomme. »

Charles Robinson: 

Charles Robinson est écrivain, connu surtout comme romancier. Passionné par les hommes, les femmes, les territoires, souvent bouleversé par l’étrange façon que nous avons d’abîmer nos existences, il explore nos histoires, nos identités et nos sociétés. J’accepte est sa première pièce de théâtre. Une version pour la scène est créée en mars 2022 par le Groupe Merci.

Durée environ 1H

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14 avril:

L’officier et le bibliothécaire de Gilles Aufray (2023)  et Animaux extraordinaires de Jean Cagnard (2022)

–  L’officier et le bibliothécaire de Gilles Aufray 

Quelque part dans le monde, une armée de mille hommes encercle la Grande Bibliothèque Nationale et s’apprête à la brûler.

L’officier commandant cette armée fait appeler le bibliothécaire. Dans un geste de générosité – ou  de cruauté ? – , il lui donne une brouette et une heure pour y déposer les livres les plus précieux à ses yeux et les sauver : les autres seront brûlés.

Une fable allégorique qui nous offre une belle réflexion sur notre lien à la littérature, et sur le livre comme objet de résistance à la barbarie. Une parution nouvelle à découvrir!

Extrait: 

« Officier : Ces poèmes épiques, ces tragédies sublimes, ces romans déchirants qui questionnent le monde et révèlent la condition humaine, sont-ils les fruits du bonheur ? Créent-ils le bonheur ?
Non, ils sont les fruits de la misère, de l’inquiétude, du remords, du désespoir, de la nostalgie, de la colère, de l’envie, du désir, de l’espoir… Ils sont les fruits de toutes ces émotions incontrôlables et ils créent le désordre, d’abord dans l’esprit des gens puis dans la rue. 

Je brûle les livres parce qu’ils mènent au désordre et que le désordre ne laisse aucune place au bonheur. Car voilà ce que je veux, le bonheur des gens, un bonheur simple. Je veux donner aux gens ce qu’ils veulent, effacer ce qu’ils ne connaissent pas. 

Journaliste : Mais sans passé, comment imaginer le futur ? 

Officier : Ni passé, ni futur, seul le présent existe. »

Gilles Aufray:

Il vit en Angleterre. Il écrit pour le théâtre et la radio, mais aussi pour la jeunesse. Il a publié une quinzaine de textes, collabore avec des lieux en France comme le Théâtre l’Ephémère au Mans, le CDN de Montluçon, le Centre de création Artistique à Fécamp, les Scènes Croisées de Lozère. Il prépare pour 2023 le triptyque : « N’importe où sauf quelque part, Lettre à mon frère, Whose Body Is It (A qui appartient ce corps) » avec le soutien du CNL et de La Chartreuse-CNES.

– Animaux extraordinaires de Jean Cagnard (2022)

« La plupart du temps la mort est une pensée, un état irréel, consacrée aux autres, rien qui mérite de s’alarmer tous les matins.

Et puis il arrive que l’on meurt dans votre périmètre proche, presque sans prévenir, et que cette personne s’appelle la mère. »

Jean Cagnard compose un poème dramatique ciselé et fin sur la perte du parent et ses répercussions dans la famille.

Dans un récit splendide, il fait revenir la dame à la vie, et c’est comme une nouvelle rencontre avec les siens, bien plus présente qu’elle ne l’a été dans la réalité.  

Un texte-phare qui traverse les générations, une ode vibrante à la filiation et à notre passage sur Terre.

Extrait:

« Aimer sa mère c’est quelque chose qui se fait 

Je me souviens que j’avais aimé notre mère 

Comme on aime une montagne
Puis je l’avais moins aimée 

Puis il faut croire plus du tout 

Je regardais un fossé et ça aurait pu être elle
Je regardais un trottoir et ça aurait pu être elle 

Un champ de pommes de terre et ça aurait pu être elle
Qui sait ?
Qui sait en quoi se transforme une mère qui s’est faite oubliée ? »

Jean Cagnard :

Il publie dans différents champs de la littérature (nouvelle, récit, théâtre). Il a écrit une quinzaine de pièces, dont huit publiées chez Espaces 34. Il collabore avec plusieurs compagnies autour du théâtre de marionnettes, qu’il découvre à La Chartreuse, et créé avec Catherine Vasseur la Compagnie des 1057 roses. Ses textes sont primés et traduits en plusieurs langues.

Durée: 2 heures (avec une pause )